dimanche 25 décembre 2016

Aujourd'hui un Sauveur vous est né


Grâce au Très Révérend Père Dom Jean PATEAU
Abbé de Notre-Dame de Fontgombault



Nativité. Gerard David. 1480




Natus est vobis hodie Salvator  (Lc 2,11 )

Chers Frères et Soeurs, Mes très chers Fils,

En cette douce nuit, les regards se portent vers la crèche de Bethléem où Marie vient de déposer son saint Enfant dans une mangeoire.  En cette pauvre étable, Dieu se fait Emmanuel, « Dieu-avec-nous», Dieu pour nous. 

Depuis longtemps les patriarches, les prophètes et même le peuple d’Israël ont été les témoins de la proximité de Dieu avec les hommes. Mais cette proximité ne suffit pas au Dieu dont le nom est Amour, Miséricorde. Dans la naissance que nous fêtons cette nuit, Dieu abat toute distance, non seulement en s’incarnant, mais en s’incarnant pour abolir toute barrière et toute peur qui pourraient demeurer dans le coeur de l’homme, en s’incarnant sous les traits d’un enfant.

En contemplant le visage de Dieu dans la crèche, alors que pour cet Enfant, tout commence, il ne nous est pas interdit de penser à un autre visage, celui dont la bouche dans trente-trois ans prononcera : « Tout est accompli ». C’est le même Dieu miséricordieux qui sous les traits de l’Enfant de la crèche, ou à travers la Sainte-Face du crucifié, vient toucher le coeur de l’homme.



Visage de l'Enfant Jésus et Sainte Face de Jésus, superposés. 2009



Quelle différence entre ces deux visages ! L’Enfant conçu par l’opération du Saint-Esprit dans le sein très pur de la Vierge-Marie est, pourrions-nous dire, l’humanité de Dieu à l’état brut, à l’état pur, celle qui sort des mains de Dieu et qui nous est donnée.
Dans trente-trois ans, la main de l’homme, la trahison du péché seront passées par là. Sur l’Agneau de la crèche se seront abattues moqueries, crachats, coups, et enfin le pire des supplices : la Croix. 
La main de l’homme a défiguré celui qui vient nous transfigurer. Le Père lui-même permit cela, car c’est ainsi qu’il voulait que nous soyons rachetés : L’amour du Christ nous presse, à la pensée que, si un seul est mort pour tous, alors tous sont morts. Et il est mort pour tous, afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux. (2Co 5,14-15)
 
Cette même histoire se poursuit aujourd’hui en un monde défiguré par les guerres, les attentats, la fausseté. Alors que nous goûtons dans la paix de la sainte Étable la présence de celui qui est le Roi de paix, Rex pacificus, notre pensée s’envole vers ce Moyen-Orient écorché, à l’image de son Sauveur, par la guerre. Les conséquences de la méchanceté humaine ne se sont pas abattues uniquement sur le Christ, même si, en lui, elles ont atteint un paroxysme insurpassable. Beaucoup ont perdu famille, ami, maison, honneur… beaucoup attendent un Sauveur… Quel sauveur ?
 
Les messies ne manquent pas qui assurent venir sauver l’humanité, promettant un bonheur à bas prix… De combien de haines sont-ils auteurs, ces artisans de paix calculées, menteuses ou profiteuses. Ils ricanent et se moquent devant l’enfant de la crèche, prétendu sauveur de l’humanité ! Dans trente-trois ans, ils auront peur de lui et le cloueront sur une Croix. Illusion que de vouloir changer la face du monde en évacuant Dieu. Le drame de l’humanité ne date pas d’aujourd’hui : dès ses premiers moments, le péché a fait son oeuvre, et l’homme incapable de le surmonter a désiré un Sauveur.
 
Le problème n’est, au fond, pas tant ceux qui se présentent comme des sauveurs, que le manque de place pour accueillir celui qui est le Sauveur. 

En écoutant l’Évangile de cette nuit, on peut s’étonner que Dieu, dans la réalisation du si grand mystère de l’Incarnation, se soit en quelque sorte soumis à bien des circonstances secondaires, pénibles pour un jeune couple et un enfant : le déplacement de Nazareth à Bethléem pour le recensement, le manque de place à l’hôtellerie, la persécution d’Hérode. Hier comme aujourd’hui, le monde ne dispose pas les choses pour favoriser la naissance d’un enfant et la tranquillité de sa mère. Il n’y a pas de place pour eux. Ce monde, qui n’est pas un lieu de paix, ne peut pas, ne veut pas recevoir celui qui lui apporte la paix. Dans le silence et la solitude de la campagne, loin des hommes, auprès de pauvres bergers ignorés, le Roi de paix trouve un lieu pour être accueilli sur notre terre et y déposer sa paix. Aujourd’hui le monde, mais aussi les familles, chacun d’entre nous, a toujours besoin de cette paix. Nous ne pouvons que peu agir sur le monde. Notre coeur, notre famille sont les premiers lieux où demande à être accueilli l’Enfant de la crèche.
Allons-nous le recevoir ? Nos coeurs seront-ils pour lui une humble étable, un lieu de paix où il pourra se reposer ?

Dans quelques instants, comme chaque dimanche, parfois plus souvent, dans la communion au mystère de l’Eucharistie, l’Enfant de la crèche vient à nous. Que lui donnons-nous ? Une place, toute la place, un peu de place ou pas de place…

Le champêtre, le pittoresque d’une naissance dans une étable ne sauve pas. C’est l’accueil, le coeur à coeur avec l’Emmanuel qui ouvre la porte du Ciel. 

Le bienheureux Charles de Foucauld l’avait compris : Baiser les lieux que Vous avez sanctifiés dans votre vie mortelle, les pierres de Gethsémani et du Calvaire, le sol de la Voie Douloureuse, les flots de la mer de Galilée, c’est doux et pieux, mon Dieu, mais préférer
cela à Votre Tabernacle, c’est quitter Jésus vivant à côté de moi, Le laisser seul, et m’en aller seul, vénérer des pierres mortes où Il n’est pas. » (Écrits spirituels de Charles de Foucauld. Ermite au Sahara, Apôtre des Touaregs, p. 70, De Gigord, Paris, 1964)
 
En cette nuit de Noël, ne laissons pas seul, loin de notre vie, loin de nos familles, loin de notre pays, l’Enfant de la crèche. Rencontrons Jésus vivant. Accueillons la Paix venue du Ciel sur la terre.
Amen.

Texte : Homélie du Père Dom Jean PATEAU. Nuit de Noël 2016
Illustrations : Nativité. Gérard Davi ; Superposition de deux visages du Christ. Robert Empain. 2009 



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