vendredi 14 mars 2014

Ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde



Grâce à l'auteur anonyme de la lettre à Diognète 


La lettre à Diognète, dont je publie ici un extrait, est l’oeuvre d’un auteur anonyme. Ecrite vers 160-200, et adressée à un païen, elle présente les chrétiens comme des hommes semblables aux autres mais avec la particularité d'être dans le monde ce que l’âme est pour le corps, un guide et un soutien. Les chrétiens y sont appelés à être "l’âme du monde".  L'artiste chrétien se reconnaîtra dans cet appel qui est toujours d'actualité car il est celui qui témoigne dans le monde que l'art, comme l'homme lui-même, est spirituel en son essence, et qu'à défaut de l'être il se condamne à n'être qu'un produit culturel, social et marchand. Si comme je le crois, l'Homme est fait corps, âme et esprit un art qui ne cherche pas à toucher l'esprit dans l'âme de l'homme ne peut que le couper de sa racine spirituelle et l'égarer davantage dans ce que le Christ a appellé le monde.  Toucher l'âme vivante et faire croître en elle l'Esprit, c'est le propre des oeuvres d'art véritables au sens chrétien. Une oeuvre d'art véritable, comme toute oeuvre humaine véritable, est une oeuvre qui aide l'homme à s'élever vers l'amour; l'amour de lui-même et l'amour de l'autre homme qui ont leur source unique dans l'amour de la Vie, qui est Dieu




La lettre à Diognète

« Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les vêtements. Ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils ne se servent pas de quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier. Ce n’est pas à l’imagination ni aux rêveries d’esprits agités que leur doctrine doit sa découverte ; ils ne se font pas, comme tant d’autres, les champions d’une doctrine humaine. Ils se répartissent dans les cités grecques et barbares suivant le lot échu à chacun ; il se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et la manière de vivre, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur république spirituelle.
Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie et toute patrie une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils partagent tous la même table, mais non la même couche.
Ils sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies et leur manière de vivre l’emporte en perfection sur les lois.
Ils aiment tous les hommes et tous les persécutent. On les méconnaît, on les condamne ; on les tue et par là ils gagnent la vie. Ils sont pauvres et enrichissent un grand nombre. Ils manquent de tout et ils surabondent en toutes choses. On les méprise et dans ce mépris ils trouvent leur gloire. On les calomnie et ils sont justifiés. On les insulte et ils bénissent ; on les outrage et ils honorent. Ne faisant que le bien, ils sont châtiés comme des scélérats. Châtiés, ils sont dans la joie comme s’ils naissaient à la vie. Les juifs leur font la guerre comme à des étrangers ; ils sont persécutés par les Grecs et ceux qui les détestent ne sauraient dire la cause de leur haine.
En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. L’âme est répandue dans tous les membres du corps comme les Chrétiens dans les cités du monde. L’âme habite dans le corps et pourtant elle n’est pas du corps, comme les chrétiens habitent dans le monde mais ne sont pas du monde. Invisible, l’âme est retenue prisonnière dans un corps visible ; ainsi les chrétiens, on voit bien qu’ils sont dans le monde mais le culte qu’ils rendent à Dieu demeure invisible. La chair déteste l’âme et lui fait la guerre, sans en avoir reçu de tort, parce qu’elle l’empêche de jouir des plaisirs : de même le monde déteste les chrétiens qui ne lui font aucun tort, parce qu’ils s’opposent à ses plaisirs. L’âme aime cette chair qui la déteste, et ses membres, comme les chrétiens aiment ceux qui les détestent. L’âme est enfermée dans le corps : c’est elle pourtant qui maintient le corps ; les chrétiens sont comme détenus dans le monde : ce sont eux pourtant qui maintiennent le monde. Immortelle, l’âme habite une tente mortelle : ainsi les chrétiens campent dans le corruptible, en attendant l’incorruptibilité céleste. L’âme devient meilleure en se mortifiant par la faim et la soif : persécutés, les chrétiens de jour en jour se multiplient toujours plus. Si noble est le poste que Dieu leur a assigné, qu’il ne leur est pas permis de déserter. »
Epître à Diognète. 5-6 

Illustration de cet article : Tu m'as aimé avant le création du monde - Collage et huile sur papier par Robert Empain, 2006, 100 x70 cm 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Partagez un commentaire sur cette publication