mardi 14 janvier 2014

Que mon oeuvre soit un poème mis en musique par un peintre

 Grâce à Joan Miro


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"Assassiner la peinture !" fut l’intention déclarée de Joan Miro au milieu des années vingt.  Rémi Labrusse, dans son livre sur le peintre catalan Un feu dans les ruines, commente cette volonté  : " ... si la destruction apparaît fécondante et génératrice de gains pour Miro c’est qu’il  a confiance dans l’idée que l’origine puisse être effectivement donnée au présent ... c’est parce que la poétique de la destruction est en même temps une poétique de l’incarnation." Car, poursuit-il "L’origine, vers laquelle remonte Miro est celle de sa propre chair, le moment sans cesse repris où celle ci se rencontre et s’émerveille de soi, engloutissant d’un coup le monde extérieur dans la marée nocturne de son intimité glorieuse.»  Arrivé à ce point, Rémi Labrusse cite Michel Henry : " ... cette irruption de ce qui retire au visible sa préséance et le fait vaciller, qui substitue à la simplicité et à l’évidence de la figure la polyphonie pathétique de la vie dont l’unité est d’un autre ordre." 



Assassiner la peinture cela veut donc dire pour Miro comme pour Kandinsky, qu’il sera bien seul à soutenir à son arrivée à Paris après la fermeture du Bauhaus par les nazis,  assassiner les conventions représentatives, y compris celles du cubisme et celles du surréalisme déjà figées en académisme, cela veut dire ressusciter l’art qui vient de la Vie et qui ressuscite la Vie.


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Mais écoutons Miro : " La même démarche me fait chercher le bruit caché dans le silence, le mouvement dans l’immobile, la vie dans l’inanimé, l’infini dans le fini, des formes dans le vide et moi même dans l’anonymat." Et "Je travaille comme un jardinier. Et aussi  " Que mon oeuvre soit un poème mis en musique par un peintre..."  Et encore : "... quelle joie d’arriver à comprendre dans un paysage un petit brin d’herbe - pourquoi le mépriser ? – un brin d’herbe est aussi gracieux qu’un arbre ou une montagne. A part les primitifs et les Japonais presque tout le monde néglige ces choses divines."

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Cette démarche de Miro est expérimentale. Selon ses propres termes elle est " une recherche de laboratoire par laquelle il est nécessaire de passer mais qui peut vous emmener beaucoup plus loin ... " c’est-à-dire à l’abri du piège de l’objectivation par les oeuvres " dans le mouvement incessant de la vie se mouvant dans l’invisible de la chair ... soustraite à la pesanteur des choses."


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Rémi Labrusse abonde en ce sens : " ce que les oeuvres de Miro cherchent à détruire ce sont les murs des représentations pour atteindre l’intériorité vivante incessante" et c’est pourquoi de telles oeuvres sont "des tremplins pour la vie qui est le mouvement qui s’éprend de lui-même. "
L’oeuvre ne vaut que comme naissance et le tableau selon Miro lui-même " doit être comme des étincelles ... qu’on y sente le point de départ, le choc qui l’a déterminé ... " alors l’oeuvre fait " entrevoir qu’un jour elle permettra de commencer quelque-chose... " Et encore " Je crois que  les seules personnes qui comptent sont celles qui mettent leur sang et leur âme dans la ligne la plus ténue ou le point le plus ténu. Kokusaï disait qu’il voulait sentir une vibration dans le plus petit point de ses dessins. Tout ce qui n’a pas cette vie est nul ! "




Texte : Notes de lecture Robert Empain, 2009. Illustrations : Peintures de Joan Miro

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