vendredi 10 janvier 2014

Un film inachevé et sans cesse recommencé


Je publie sur ma page You Tube des extraits du film Mille grâces, mille larmes de joie que j'ai commencé en 2000 et présenté en 2001 dans une chapelle romane à Le Blanc en France. 
Ce film ne prétend pas s'approprier la beauté du monde mais espère tout simplement lui rendre grâce. Les plans séquences qui s'y succèdent, et qui s'y succèderont indéfiniment au fil du temps, je le nomme des grâces, des grâces recueillies une caméra à la main, des grâces rendues à l'auteur véritable des réalités terrestres sans cesse créées par Lui pour notre émerveillement et notre éveil, des grâces projetées sur la Terre, dans le Ciel et dans les yeux humains depuis la création du monde, depuis que la lumière a jailli des ténèbres, depuis que des vivants les regardent et s'en étonnent. 
Un tel film, amis, ne saurait ainsi avoir un début, un milieu et une fin, car il est infini et ne fait que capter ce qui dans le monde ne cesse de commencer. C'est pourquoi un tel projet, une telle prière en vérité est toujours en cours, toujours à voir, à faire et à dire, toujours en retrait de sa tâche infinie. 
Je publie ci dessous quelques unes de ces grâces que vous retrouverez plus nombreuses sur You Tube.
Je publie également la petite allocution que j'ai faite à Le Blanc en 2001 avant de la projection d'un premier jet de ce film qui était alors composé d'une cinquantaine de grâces recueillies dans le Parc régional naturel de la Brenne qui entoure cette ville de France. 
 



Qui suis-je ? 
Mesdames, messieurs, si je suis un étranger pour vous, sachez que je suis encore, et largement, un inconnu pour moi même. On me dit poète et peintre, je suis un voleur. 
Non pas un voleur de banques, de sacs à main ou de mobylettes, mais un voleur de petit chemin, un voleur de beauté, un voleur de feu. Un glaneur serait plus juste, selon le titre du beau film qu'Agnès Varda présentait alors que je montais mon modeste film, mon premier film, mon seul film, un film inachevé et sans cesse recommencé...  Ce que vous allez voir est mon butin, la petite moisson de ce que j'ai glanée sur les chemins de votre pays de Brenne. 

Qu'ai-je glané pour vous ? 
La beauté et la lueur des visages croisés au hasard à Le Blanc, l'impudeur de quelques fleurs abandonnées au bord des routes de Mérigny, un peu de vin dans un verre d'eau, un étang minuscule dans le creux d'une pomme, les éclats du soleil dans des perles de rosée à Ingrandes, des arcs-en-ciel produits par un arrosoir, des étoiles dans les plis de vos rivières, des arbres se diluant dans le courant, le regard d'une enfant fascinée par un serpent à la Foire commerciale, des tortues prises au piège dans une boite en plastique et ainsi de suite... Mille grâces à mes yeux.



Quelques séquences du film Mille grâces, mille larmes de joie sont visibles sur YouTube


Pourtant cette beauté là est sans valeur pour notre temps, elle appartient au monde du rien,  elle appartient donc à tout le monde et par là elle n'appartient à personne, si ce n'est au poète, au voleur de feu. Elle est hors spectacle, hors marché, elle n'est pas cotée en bourse. En vérité elle est sans prix et donc hors de prix. Tout simplement parce qu'elle relève de l'être et non de l'avoir, cette beauté là, comme toute beauté véritable, est gratuite. Gratuite cela signifie qu'elle provient de la grâce. De la grâce infinie et oubliée qui nous donne à tous d'être là dans une vie et dans un monde qui nous sont donnés à chaque seconde.



J'ai pris le titre de ce film, Mille grâces, mille larmes de joie, à une prière que Blaise Pascal avait cousue dans son manteau : Feu Joie Joie Joie, mille grâces, mille larmes de joie, pour chaque jour d'exercice sur la terre... 
J'aurais pu voler la belle formule dans laquelle Martin Heidegger concentre sa philosophie : Denken is danken - Penser c'est remercier. 

Les images de ce film ne prétendent certes pas s'approprier la beauté du monde, elles espèrent juste lui dire merci, lui rendre grâce. Elles ne sont littéralement que des reflets fugaces des images crées en permanence par la lumière, des phénomènes existants depuis la création du monde, depuis qu'existent la lumière et les ténèbres. 
Rainer Maria Rilke disait de la beauté qu'elle est le voile qui nous protège encore du Terrible. Je vous prie de regarder ces images comme les voiles tendus de l'Amour, comme mille voiles  à lever sur l'inconnu familier qui vous entoure, des images projetées ici sur un tissu de soie presque transparent pour mieux en montrer la nature cachée.



Ces images espèrent inaugurer un autre regard sur la beauté du monde : un regard capable d'admirer son humilité.  Admirer ! Le verbe magnifique que nous a donné le poète belge Émile Verhaeren pour orienter la pensée et les rapports entre les hommes.

Un tel film, qui fait actuellement une soixantaine de minutes, ne saurait pourtant avoir, chers amis, un début, un milieu et une fin, il est infini ou indéfini, car il pointe ce qui dans le monde ne cesse de commencer. C'est pourquoi un tel projet, une telle prière en vérité, ne peut être qu'inachevée car toujours en retrait de sa tâche infinie.

Les images de visages de femmes et d'hommes que vous y verrez espèrent encore témoigner humblement de la Loi divine qui fonde notre Humanité et pourrait remplacer toutes nos lois humaines, une Loi qui nous rappelle que tout homme est un miracle sur la Terre comme au Ciel, une Loi, que chaque visage humain proclame, et qui dit  « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Je remercie les personnes qui ont bien voulu me confier l'image de leur visage et ainsi le visage de leur véritable image... 

Je vous invite maintenant à regarder ce voile d'images. Regardez les comme des mensonges qui lèvent un peu le voile sur la vérité.  N'est-ce pas  cela  qu'espère accomplir toute œuvre d'art ?  

J'en dirai plus une autre fois.

A suivre...                                                               

Texte : Robert Empain, 2001.


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